Prologue

 

Le soir est tombé sur la forêt de Sénart. Vénus et la Lune brillent là bas dans les nuages, au delà de Ris Orangis.  Trois corbeaux qui sautillent sur une aire de pique nique s’envolent de quelques mètres à l’arrivée de deux grosses voitures.

Les portières s’ouvrent. Quatre silhouettes descendent et se regroupent à l’arrière du premier véhicule. Le plus petit des hommes ouvre le hayon et deux autres se penchent pour en sortir une petite cantine. Ils la posent au sol. Le dernier comparse en extrait un sac qu’il endosse. Il y connecte un long tube métallique.

Les corbeaux suivent ce manège avec curiosité : un des individus a sorti un paquet de graines et leur en lance. Les volatiles décollent pour simuler un dédain de circonstance, puis se posent plus près, au milieu de cette aubaine.
                                                                   
Le porteur du sac à dos saisit le tube par ses deux poignées. Il se contorsionne pour le porter à  hauteur de son épaule. Avec l’aide de ces acolytes, il parvient à le tenir suffisamment en équilibre pour viser : il met en joue une vieille canette de bière qui traîne là, puis la Lune.

Cinq corbeaux picorent maintenant avec avidité. L’homme au tube a acquis plus d’aisance. Il aligne les oiseaux pendant que ses compagnons se replient derrière les véhicules. Pour s’assurer suffisamment de stabilité, il écarte les jambes, se cambre et balance son tronc de gauche à droite. Une légère bruine commence à tomber.

Il hurle « Vive la Bulgarie » et le lance flamme illumine la clairière dans un feulement rauque. Un léger balayage et finis les corbeaux. Ne subsistent que cinq boules de flammes vertes et bleues dansant au dessus d’une marre de flammèches jaunes.

- Alors les gars, qu’est ce que je vous disais ? interroge le porteur du sac. On a trouvé ce qu’il nous faut, non ?

- Affirmatif, mais on pourrait encore peaufiner le réglage de l’injecteur, nuance un des comparses.  On voit bien qu’il n’a pas servi depuis longtemps.

- Essaye plutôt avec la table de pique nique, lance le troisième homme, un moustachu au crâne rasé. Tes corbacks, ils sont gentils, mais beaucoup trop petits.  Et puis, n’en fais pas trop avec la Bulgarie. Faudra quand même rester crédible.